dimanche 4 mars 2012

Plaisir solitaire.


La préparation fait partie du plaisir. Débardeur, pantalon large, pull à capuche, queue de cheval. Clemenceau disait : « Le meilleur moment de l’amour, c’est quand on monte les escaliers ». Eh bien le meilleur moment pour la course à pied, c’est quand on les descend…


Avenue d’Italie, la musique accélère dans mon Beats by Dr Dre. j’enclenche le premier pas. Une montée d’adrénaline me parcours comme lors d’un premier coup de rein. Surtout quand ça fait plusieurs jours que je n’ai pas couru. Un petit sourire réprimé et une profonde inspiration. Mes pas son timides.


Avenue de Choisy. Ma foulée se fait plus vigoureuse. Je décide de ne pas maitriser ma respiration. Des effluves me parviennent, des traiteurs asiatiques qui préparent leurs services du midi avec un peu d’avance. Plus loin les pâtisseries m’ouvrent l’appétit. Non pas tout de suite. Un plaisir à la fois…


La balade est une suite de pensées qui me traversent et me font oublier l’effort. « Merde on est Lundi, c’est le jour de ma livraison d’articles –Héhé, avenue de la Vistule. Décidément le nom de rue le moins sexy de la terre –Mon oncle m’avait pas l’air bien au téléphone, faut que je cuisine Maman pour en savoir plus- Depuis le temps que je passe devant cette école, quand-est ce que je comprendrais que je dois éviter de courir à 7h 49 ?... »


Feu rouge. Mon corps se rappelle à moi, avec mon cœur qui bat la chamade et ma cuisse qui ne se décontracte pas. J’inspire un grand coup, me délecte. De cet air frais qui mord mes joues et de cette goutte de sueur qui tape son sprint sur ma nuque. T’en veux encore?...


Feu vert, reprise de foulée, adrénaline.

Au Fil de mes pensées, les questions qui fâchent surgissent. « J’ai dix jours pour réunir la somme pour le loyer et ce n’est pas ce mois-ci que je pourrais profiter des ventes de mon livre… Et si mes articles de la semaine ne leur plaisaient pas? Et si tout s’arrêtait?... » Mon rythme cardiaque augmente, le stresse m’envahit, me pousse à accélérer ma foulée. Quelques mètres plus loin, apaisée, je chercherais, puis trouverais une solution.


Place d’Italie. Je prends quelques minutes pour souffler, respirer profondément. Je meurs d’envie de retirer mon pull et de terminer ma séance en débardeur mais je ne peux pas. Alors, l’écharpe défaite, je laisse le vent rafraichir le moindre centimètre carré d’épiderme. Courir est une affaire de sens. Et le temps d’une chanson sur Ipod, je les consulte un à un. Le ciel est étonnamment bleu. Ce n’est pas un temps à bosser chez soi.


Rue Auriol. Descente. Détente. Une rue facile ou presque. Je slalome entre les arbres. La remontée est plus laborieuse, c’est à mes cuisses de jouer. Je les sens puissantes, endurantes. Je parcourrais des bornes et des bornes pour le simple plaisir d’y sentir le sang circuler. Jusqu’ici elles ont toujours été douloureuses et lourdes. Elles ont à se faire pardonner…


Dernière ligne droite. Ma foulée s’intensifie encore. Chacune de mes cellules hurle, se fait entendre. Mon souffle est court, mon cœur fait du trampoline et je suis trempée. Mes joues sont écarlates. Il n’est plus question de penser. Mon cerveau est bien trop accaparé par tous les messages que les nerfs lui transmettent. Il fonctionne en mode dégradé…


Et si le vrai lâcher-prise, c’était le sport ? Et puis... personne pour trouver à redire sur mon épilation du maillot. Pas d’ongles de pieds impeccablement vernis, pas de féminité imposée. Je suis les courbes, je suis les muscles, je suis les veines seyantes. Je suis celle qui donne et celle qui reçoit.


Rue Caillaux, Je ralenti au croisement. Je parcours les derniers mètres qui me séparent de chez moi sans retenir le sourire satisfait qui s’invite sur mon visage salé de sueur. L’endorphine me fait planer, le vent me tiens éveillée. J’ai envie d'un coca, j’ai envie d'un pain aux chocolat, j’ai envie d’une douche, et si j’étais fumeuse, j’aurais envie d’allumer une clope en me demandant si c’était aussi bon pour moi… que pour moi.


Un plaisir à la fois, j’ai dit.

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